Le 8 janvier 1996, disparaissait François Mitterrand, figure de la politique française, qui, arrivée au pouvoir en 1981, marqua l’histoire de la République, à travers deux septennats, des grands travaux et l’abolition de la peine de mort. Son élection, le 10 mai 1981, fut vécue par nombre de Français comme un souffle nouveau, l’écriture d’une nouvelle page par un président socialiste. La génération Mitterrand était née. Scènes de liesse dans les grandes villes, rassemblement à la Bastille : les roses rouges se déployaient dans les cortèges improvisés. 20 ans après la mort de « Tonton », que reste-t-il de cet héritage ? En Normandie, des militants et élus lui rendent hommage.
De Jarnac à Pavilly : des hommages
Vendredi 8 janvier 2016, François Hollande se rend sur la tombe de son illustre prédécesseur, à Jarnac (Charente). Après une longue maladie, celui qui gouverna durant deux septennats la France, tirait sa révérence, il y a 20 ans. Aujourd’hui, les socialistes se souviennent de cet homme politique, connu pour son amour des lettres et de la culture, et de sa dernière cérémonie des vœux, en 1995, au cours de laquelle il faisait ses adieux aux Français : « L’an prochain, ce sera mon successeur qui vous exprimera ses vœux. Là où je serai, je l’écouterai le cœur plein de reconnaissance pour le peuple français qui m’aura si longtemps confié son destin et plein d’espoir en vous. Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas. Je forme ce soir des vœux pour vous tous en m’adressant d’abord à ceux qui souffrent, à ceux qui sont seuls, à ceux qui sont loin de chez eux. Bonne année et longue vie. Vive la République. Vive la France. »
Derniers vœux de François Mitterrand, en 1995 :
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20 ans après, les élus et militants qui ont croisé sa route se souviennent :
Par-delà le temps passé, au-dessus des clivages, celui qui fut, à partir du Congrès d’Épinay, pendant neuf ans, le premier secrétaire du Parti socialiste avant d’être, pour deux mandats de sept ans, le président de la République, le président de tous les Français, le chef de l’État, nous laisse un exemple, une leçon et un message. L’exemple, c’est celui de la dignité. François Mitterrand ne s’en est pas départi un instant 14 ans durant. Dignité, majesté diront ses critiques et ils ne manquaient pas, face aux obligations de sa charge et aux épreuves du pouvoir, souligne Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil (Eure), sur son blog.
Arnaud Mouillard, secrétaire de la section de Pavilly (Seine-Maritime), évoque l’héritage du président :
En France, le nom de François Mitterrand reste associé à de grandes conquêtes sociales qui ont « changé la vie » de nos concitoyens : retraite à 60 ans, réduction du temps de travail à 39 heures, 5ème semaine de congés payés, impôt sur les grandes fortunes, RMI, lois Quillot pour les locataires, lois Auroux dans les entreprises. Le nom de François Mitterrand reste associé à de grandes avancées pour les libertés publiques et notre société : les 1ères lois de décentralisation, l’abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l’homosexualité, la libération des ondes, la paix en Nouvelle Calédonie, sans oublier une grande politique de la culture, de l’éducation et de la recherche : la Grande Arche de la Défense, l’Opéra Bastille, la Cité des Sciences de La Villette, la pyramide du Louvre et la Grande Bibliothèque qui porte son nom.
Un hommage sera rendu à François Mitterrand, devant la Maison pour Tous de Pavilly, à 17h45.
Pour les 20 ans de la disparition de François MITTERRAND ns vs invitons à participer à hommage devant la Maison pour Tous de Pavilly à 17h45
— PS Pavilly (@PSPavilly) 8 Janvier 2016
« Une figure indéboulonnable »
François Mitterrand avait ses disciples, ses admirateurs, mais aussi ses détracteurs. Certains voient en lui le président de tous les Français et des avancées sociales, d’autres lui reprochent sa morgue et sa ténacité, mais aussi ses secrets, notamment sa fille cachée, Mazarine, dont l’existence est révélée en 1994. Dans Que reste-t-il de nos amours, un documentaire diffusé lundi 14 décembre 2015, sur ARTE, le documentariste William Karel « revisite avec précision les deux septennats en clair-obscur du premier président socialiste, celui qui avait promis, citant Rimbaud, de changer la vie », indique la chaîne. Un travail « haineux et caricatural » qui a choqué Jack Lang, l’actuel président de l’Institut du Monde arabe (IMA) et proche de François Mitterrand. William Karel, lui, déclare avoir voulu faire un film sur « une figure indéboulonnable. »
William Karel, au sujet de Que reste-t-il de nos amours ?
L’Instant M : William Karel et les désillusions… par franceinter
Un bon président pour 59% des Français
20 ans après la mort de François Mitterrand, les passions se sont apaisées : deux Français sur trois (65%) disent garder un bon souvenir des années Mitterrand. Ils sont presque autant aussi (59%) à estimer qu’il a été un bon président. En 2015, Louis Mexandeau, député du calvados de 1973 à 2002, ministre des PTT de 1981 à 1986, puis Secrétaire d’État aux anciens combattants et victimes de guerre de 1991 à 1993, racontait sa rencontre avec François Mitterrand, en 1965, à Caen (Calvados), en pleine campagne électorale pour les premières élections présidentielles au suffrage universel de la Ve République, avant qu’il n’en devienne le premier président socialiste en 1981. À l’époque, ni Caen, ni le Calvados, ni la Basse-Normandie n’étaient des bastions de gauche :
Pour la première fois – peut-être – qu’il venait à Caen (il était pourtant sur la côte du Calvados quand, en septembre 1939, l’ordre de mobilisation l’atteignit) le public découvrit le formidable orateur qu’était François Mitterrand. Il ne lui fallut que peu de temps pour séduire un auditoire largement acquis à la cause. Il faut dire aussi qu’en ce temps-là, comme sous les anciens Grecs, l’art de bien parler approchait de la tyrannie. Moins de quatre ans plus tard, après la grande secousse de mai 1968 j’ai connu un Mitterrand affrontant, pour finalement les séduire ou les réduire, des assemblées beaucoup plus tumultueuses. Bref, la fameuse « séduction mitterrandienne » s’exerça ce soir-là, à Caen, comme dans les grandes villes du pays, rapporte Louis Mexandeau, sur le site de l’Institut François Mitterrand.
La liesse dans les rues de Caen, le soir des élections de 1981 :
En novembre 2015, Louis Mexendeau inaugurait une exposition consacrée à François Mitterrand au siège du PS de Caen, « On est à la fois dans la nostalgie et la pédagogie parce qu’il nous a donné des leçons de combat, de ténacité mais aussi des leçons d’unité », déclarait l’ancien ministre sur France 3 Normandie.
Le reportage de France 3 Normandie sur l’hommage rendu par le PS à Caen, en 2015 :
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Les cérémonies du Débarquement
En tant que président de la République française, François Mitterrand avait assisté aux commémorations du 40e anniversaire (en 1984) et du cinquantenaire (en 1994) du Débarquement allié en Normandie. À Utah beach, en 1984, le président déclarait :
Saluons ceux qui ont vécu cette bataille, ces vétérans, et particulièrement ceux qui sont parmi nous restés fidèles à la mémoire et à l’espoir de leur jeunesse. Nous leur devons ce que nous sommes et je m’interroge parfois : leur avons-nous rendu tout ce que nous pouvions ? Qu’ils se souviennent cependant. En 1944, à leur rencontre, se sont levés partout les combattants de l’ombre. Saluons la Résistance, celle de mon pays et des pays amis, comme je salue les hommes libres d’Allemagne, d’Italie qui n’ont jamais baissé le front. La liberté se paie de la peine et du sang. Le 6 juin, le jour “J”, demeure incomparable. Sans lui, rien et nulle part, n’eût été achevé.
Retour sur les cérémonies de 1984 :
En 1994, François Mitterrand évoquait le prix de cette liberté :
Mais, du 6 juin 1944, date un signal. Il a été lancé comme on allume ces feux dans nos campagnes françaises, de colline en colline, à l’entrée de l’été, pour fêter les jours les plus longs et les nuits les plus courtes, pour transmettre d’un horizon à l’autre les messages d’espérance. Il veut dire, ce signal, que rien n’est jamais gagné mais que tout est toujours possible. Et que ce qui a été gagné, ce jour-là, sur les plages normandes, c’était notre liberté d’aujourd’hui.
Un discours qui, en 2016, après la vague d’attentats de 2015, a une résonance particulière.
Aujourd’hui, avec le temps qui passe, 100 ans après sa naissance, au-delà des tempêtes, du tumulte, des passions, un sondage nous apprend que deux tiers de nos compatriotes gardent un bon souvenir des années Mitterrand. Quel homme politique, quel homme d’État, quel homme tout court ne se satisferait d’un tel résultat ? Le modeste hommage que nous lui devons entre en résonance avec ce tribut posthume que rend le peuple français à un homme qui aura finalement incarné dans la légende des siècles, après quelques autres et pendant un long moment de notre histoire, la France, cette Nation qu’un des prédécesseurs de François Mitterrand, sans doute le plus illustre, appelait « son cher et vieux pays », conclut Marc-Antoine Jamet, dans son hommage.
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